Le lancement progressif de Google AI Mode au Royaume-Uni a créé un véritable séisme dans l’écosystème numérique. Cette fonctionnalité, basée sur l’intelligence artificielle, va bien au-delà des simples « résumés » déjà testés par Google.
Son objectif ? Fournir aux internautes des réponses complètes et synthétiques directement dans les résultats de recherche. Plus besoin de cliquer sur plusieurs sites pour obtenir des informations, tout est présenté en un seul bloc.
Si, pour les utilisateurs, cela peut sembler une avancée logique, les éditeurs et créateurs de contenu y voient une menace directe : moins de clics, donc moins de trafic et, potentiellement, des revenus en chute libre.
Impact sur les éditeurs britanniques : vers un web sans clics ?
Une chute du trafic organique redoutée
Le trafic de référence, c’est-à-dire les visites en provenance de Google, représente pour beaucoup de sites une part essentielle de leur audience. Avec AI Mode, les réponses sont tellement complètes que l’utilisateur n’a plus besoin de cliquer.
Résultat : des millions de pages pourraient devenir invisibles, et le modèle publicitaire basé sur le volume de visites vacillerait.
Le dilemme du « opt-out »
Google laisse aux éditeurs la possibilité de refuser l’utilisation de leur contenu pour entraîner ses IA ou apparaître dans AI Mode. Mais refuser, c’est potentiellement être moins bien référencé dans les résultats traditionnels.
Une décision cornélienne : accepter que Google se serve du contenu gratuitement… ou risquer de disparaître de la SERP classique.
Les contenus les plus touchés
Certains types de contenus sont particulièrement vulnérables :
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Les tutoriels et guides pratiques.
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Les définitions et contenus encyclopédiques.
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Les comparatifs de produits ou services.
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Les réponses rapides (météo, calculs, dates, infos simples).
Ces contenus sont faciles à résumer par l’IA et risquent de voir leur intérêt pour l’utilisateur chuter.
Comprendre le fonctionnement du modèle Gemini 2.5
Une IA multimodale très avancée
AI Mode est propulsé par Gemini 2.5, le modèle d’IA le plus puissant de Google. Sa particularité ? Être multimodal. Il peut analyser du texte, des images et d’autres formats en même temps.
Plutôt que d’extraire des extraits d’articles, il comprend les informations, les met en relation et les synthétise.
Un outil conversationnel immersif
Contrairement aux « AI Overviews » (encadrés en haut des pages Google), AI Mode propose une expérience complète, dans un onglet dédié.
On peut poser des questions de suivi, demander des précisions… Bref, la recherche devient conversationnelle.
Les « liens en évidence » : un leurre ?
Google affirme continuer à afficher des liens vers les sources utilisées. Mais soyons réalistes : quand on obtient une réponse complète, qui clique encore sur les liens ? Les éditeurs craignent que ces liens soient purement décoratifs et n’apportent plus de trafic.
Les avantages (et les dangers) pour les utilisateurs
Un gain de temps évident
Pour l’utilisateur, AI Mode est un rêve : plus besoin d’ouvrir dix onglets. Tout est résumé et bien présenté en un seul endroit.
C’est particulièrement utile pour les recherches complexes, comme « Organiser un voyage de 5 jours en Écosse pour une famille avec enfants », où AI Mode génère un plan complet en quelques secondes.
Des risques d’erreurs et de désinformation
Les IA, aussi puissantes soient-elles, peuvent halluciner. Elles inventent parfois des informations convaincantes mais fausses.
Problème : en présentant ces réponses comme définitives, AI Mode pourrait propager de la désinformation à grande échelle.
La perte de diversité des points de vue
Un autre risque, plus insidieux : la disparition des opinions minoritaires et des analyses originales.
Naviguer sur le web permet de découvrir des perspectives différentes. AI Mode, en fournissant une réponse unique et « consensuelle », pourrait uniformiser la connaissance en ligne.
Les réactions du secteur SEO et des médias
La fin du clic comme métrique principale
Pour les experts SEO, c’est une révolution. L’objectif n’est plus d’obtenir la première position sur Google, mais d’être cité par l’IA.
Mais comment mesurer cela ? Comment optimiser son contenu pour une réponse générée par un algorithme ? Les métriques traditionnelles comme le CTR (taux de clic) deviennent obsolètes.
Des critiques sur l’utilisation du contenu
Les éditeurs dénoncent un système injuste : Google utilise leurs contenus pour entraîner ses IA et répondre aux utilisateurs… sans les rémunérer et en réduisant leur audience.
Beaucoup y voient une appropriation forcée du travail des créateurs, sans contrepartie.
La demande d’une meilleure transparence
Les organisations d’éditeurs réclament :
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Des statistiques claires sur le trafic généré par AI Mode.
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Un vrai opt-in (plutôt qu’un opt-out risqué).
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Des mécanismes de rémunération pour les contenus utilisés.
Quel avenir pour le modèle économique des éditeurs ?
Le double impact sur la publicité et l’affiliation
Moins de clics = moins de trafic = moins de revenus publicitaires.
L’affiliation (les commissions sur les ventes) est elle aussi menacée : si AI Mode répond directement à « Quel est le meilleur aspirateur balai », l’utilisateur n’ira plus consulter un comparatif externe et cliquer sur un lien affilié.
Repenser la proposition de valeur
Pour survivre, les éditeurs devront se concentrer sur ce que l’IA ne peut pas faire :
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Produire des enquêtes exclusives.
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Proposer des analyses de fond.
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Créer des communautés engagées.
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Offrir des expériences uniques (événements, podcasts, outils interactifs).
Vers de nouveaux modèles de revenus
Le web gratuit financé par la publicité est de plus en plus fragile. Les modèles les plus viables post-AI Mode pourraient être :
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Les abonnements et paywalls.
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Les programmes de membership (adhésions).
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Les contenus sponsorisés de haute qualité.
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Les dons et soutiens directs de l’audience.
Comment adapter sa stratégie SEO à AI Mode ?
Viser la « position zéro »
L’objectif n’est plus de grimper dans le top 3, mais d’être la source utilisée par l’IA.
Pour cela, il faut créer des contenus :
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Clairs, bien structurés et factuels.
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Enrichis de données structurées (Schema.org).
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Authentiques, avec un auteur identifié et crédible.
Miser sur l’E-E-A-T
Google veut des sources fiables pour nourrir son IA. Les signaux d’Expertise, Expérience, Autorité et Confiance (E-E-A-T) deviennent cruciaux.
Concrètement :
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Publier sous le nom d’auteurs experts.
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Afficher des sources et références solides.
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Développer une autorité de marque forte et reconnue.
Créer des contenus « IA-résistants »
Une autre stratégie : produire des contenus que l’IA ne peut pas résumer.
Exemples :
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Des études exclusives avec données propriétaires.
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Des outils interactifs et calculateurs en ligne.
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Des formats narratifs (reportages, storytelling immersif).
Faut-il craindre l’avenir du web ?
Le déploiement de AI Mode au Royaume-Uni n’est qu’un début. Si le test est concluant, cette fonctionnalité sera généralisée dans le monde entier.
C’est une évolution majeure, qui change l’équilibre du pouvoir entre Google, les éditeurs et les utilisateurs.
Pour les créateurs de contenu, le défi est énorme : il faut réinventer son modèle et sa stratégie de visibilité. Pour les utilisateurs, c’est une promesse de simplicité… mais aussi un risque de dépendance accrue à une seule plateforme pour accéder à l’information.
En résumé
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Google AI Mode pourrait réduire drastiquement le trafic organique des éditeurs.
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Les modèles économiques basés sur la publicité sont en danger.
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Les créateurs doivent miser sur l’exclusivité, l’analyse et l’engagement direct avec leur audience.
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Le SEO de demain sera centré sur la crédibilité et la valeur ajoutée.